The Cracked Bell – Charles Baudelaire

The bitter sweetness of winter nights,
listening, by the flickering, fuming fire,
to the slow distant rise of the sound of bells
ringing out through the mist.

Happy the bell with its tough throat which,
undiminished and alert, despite its age,
faithfully sends forth a religious cry,
like an old soldier keeping watch in his tent.

As for me, my soul is cracked, and when,
in its misfortunes, it wishes to swamp
the cold night air with its songs,
quite often its enfeebled voice

sounds more like the dull death rattle
of a wounded man forgotten next to a pool of blood,
under a huge pile of corpses and who dies,
without moving, after a tremendous struggle. 

Charles Baudelaire

translation by John Lyons


La Cloche fêlée

II est amer et doux, pendant les nuits d’hiver,
D’écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s’élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu’un vieux soldat qui veille sous la tente!

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu’en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l’air froid des nuits,
II arrive souvent que sa voix affaiblie

Semble le râle épais d’un blessé qu’on oublie
Au bord d’un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d’immenses efforts.

Charles Baudelaire

That beauty is hypnotic

That beauty is hypnotic
that it mesmerises the soul
that it draws you in irresistibly
whether a landscape set
between mountains and lakes
or in green hills that dip down to the sea
or in the curve of her lips
or the spark of life in her eyes
or merely the sound of her voice
or the soft kiss that consecrates
Beauty shows no remorse
No  Never  Ever

John Lyons


Que la beauté est hypnotique

Que la beauté est hypnotique,
qu’elle fascine l’âme, qu’elle
vous attire irrésistiblement,
que ce soit un paysage entre
montagnes et lacs, ou des collines
verdoyantes qui plongent jusqu’à la mer,
ou la courbe de ses lèvres,
ou l’étincelle de vie dans ses yeux,
ou tout simplement le son de sa voix,
ou le doux baiser qui consacre.
La beauté ne manifeste aucun remords.
Non.  Jamais.  Jamais.

The bones of my infancy

Here I am still among the bones
of my infancy : the woodlands
the oak the ash the sycomore
the wide open green spaces
where I played so often
the grey river that winds down
to the sea : all the old familiar
topography : the warren where
we counted the rabbit holes
the recreation ground with
its slides and swings and
roundabouts This was where
I invented my idea of the world
where I took my first steps
where I began to succeed
and where from time to time
I stumbled  Here I was happy
where I loved and felt loved
In the changing light nothing
changes In the cycle of seasons
I’ve grown old and life now
has the measure of me but
I’ll continue to fight my corner
until my last breath

John Lyons


Les os de mon enfance

Me voici encore parmi les os
de mon enfance : les bois
le chêne le frêne le sycomore
les grands espaces verts
où j’ai si souvent joué
la rivière grise qui serpente
jusqu’à la mer : toute la vieille
topographie familière : le garenne
où l’on comptait les terriers de lapin
le terrain de jeux avec ses toboggans,
ses balançoires et ses manèges
C’est ici que j’ai inventé mon idée
du monde, où j’ai fait mes premiers pas
où j’ai commencé à réussir et
où de temps en temps j’ai trébuché
J’étais heureux ici où j’aimais
et me sentais aimé Dans la lumière
changeante rien ne change Dans
le cycle des saisons j’ai vieilli
et la vie maintenant a ma mesure
mais je continuerai à me battre
jusqu’à mon dernier souffle

This moment in time

A housefly crawling along
the edge of the skylight
It wishes to escape but
cannot see the glass
This is the reality
Outside the sky is blue
and there’s not a breath
of air moving  But for
the buzz of the fly
there’s not a sound
Trees on the horizon
are preparing for autumn
Green has turned to gold
This is the reality
at this moment in time
Sometimes I forget my age
Sometimes I remember

John Lyons


En ce moment précis

Une mouche rampe le long
du bord de la lucarne
Elle souhaite s’échapper
mais ne peut voir la vitre
C’est la réalité
Dehors, le ciel est bleu
et il n’y a pas un souffle d’air
qui bouge  Sans
le bourdonnement de la mouche
il n’y a pas un bruit
Les arbres à l’horizon
se préparent pour l’automne
Le vert s’est transformé en or
C’est la réalité
en ce moment précis
Parfois, j’oublie mon âge
Parfois, je m’en souviens

A smudge of lipstick

A smudge of lipstick
on a wine glass
a handful of grains
of wheat in a small
plastic container
a woollen scarf
she gave him one
birthday : a book
of reproductions
and memories – so
many memories
that’s all she left

John Lyons


Une tache de rouge à lèvres

Une tache de rouge à lèvres
sur un verre à vin,
une poignée de grains
de blé dans un petit
récipient en plastique,
un foulard en laine qu’elle
lui a offert pour son anniversaire :
un livre de reproductions
et des souvenirs – tant
de souvenirs, c’est tout
ce qu’elle m’a laissé.

The black night gives way

The black night gives way
to the bright day  October
The forecast is for high pressure
no wind no rain not even
a few scattered showers
The tree-line has altered since
summer – leaves have rusted
but most are yet to fall
We are in a hiatus as though
peace has broken out
across the countryside
Long may it last!

John Lyons


La nuit noire cède la place

La nuit noire cède la place
au jour lumineux.  Octobre.
Les prévisions annoncent
une haute pression,
pas de vent, pas de pluie,
pas même d’averses éparses.
L’horizon d’arbres a changé
depuis l’été – les feuilles ont rouillé
mais la plupart ne sont pas encore
tombées. Nous sommes
dans une pause comme si la paix
avait éclaté à travers la campagne.
Que cela dure longtemps !

A placid day

A placid day of no remembrance
No fear of the past no fear of the future
Being simply in the moment among
the pure principles of life surrounded
by the pure objects of life : the air
and the earth out of which the oak
the ash and the sycomore and the song
of birds the ease with which they move
about the skies with sometimes barely
a flap of their wings gliding from one
tree to another Now on this early
Sunday morning refreshed by the power
of sleep I gaze out of the window
at the treetops in the distance
with all the words of the language
at my disposal content with so little

John Lyons


Une journée paisible

Une journée paisible sans souvenir
Aucune peur du passé, aucune peur
du futur Être simplement dans l’instant
présent parmi les principes purs de la vie
entouré des objets purs de la vie : l’air
et la terre d’où proviennent le chêne,
le frêne et le sycomore et le chant
des oiseaux, la facilité avec laquelle
ils se déplacent dans le ciel, parfois
avec à peine un battement d’ailes,
glissant d’un arbre à l’autre
Maintenant, en ce petit dimanche matin,
rafraîchi par le pouvoir du sommeil,
je regarde par la fenêtre la cime des arbres
au loin avec tous les mots de la langue
à ma disposition, satisfait de si peu.

The lover the lunatic the poet

The lover the lunatic the poet
of the imagination all compact
A place in time and a time in place
Where sparrows sang and children
played out on the streets till dusk
Where the rivers were magical
and the fields endlessly green
and oak and ash and sycamore
provided shelter and shade
Where he now asks are the
summers of yesteryear and what
became of her who was his
first love?  She with the entrancing
eyes and soft lips and a smile
to warm the coldest heart?

John Lyons


L’amant, le fou, le poète

L’amant, le fou, le poète,
de l’imagination toute compacte,
un espace dans le temps et un temps
dans l’espace, où les moineaux
chantaient et les enfants jouaient
dans la rue jusqu’au crépuscule,
où les rivières étaient magiques,
les champs d’un vert infini,
où les chênes, les frênes
et les sycomores offraient abri
et ombre. Où sont les étés d’antan
et qu’est-ce qu’il se demande
est devenue celle qui fut son
premier amour ? Elle,
au regard envoûtant, aux lèvres
douces et au sourire à réchauffer
le cœur le plus froid ?

Our brief life together

The ancient woodlands
the green open fields
where dogs romp
and children skip on their way
to school  The deep silence
filled only by the wrens and robins
the sparrows and the magpies
marking the dawn with their song
The river that never ceases
to flow through my life
The black barges that bob gently
midstream where the cormorants
perch after sunrise
Places I knew long before
I ever met you
Places that have remained
with me all my life Places
that you knew fleetingly
in our brief life together

John Lyons


Notre brève vie ensemble

Les forêts anciennes
Les champs verdoyants
où les chiens gambadent
et les enfants sautillent
sur le chemin de l’école
Le silence profond rempli
seulement par les troglodytes
et les rouges-gorges
les moineaux et les pies
marquant l’aube de leur chant
La rivière qui ne cesse de couler
à travers ma vie Les barges noires
qui tanguent doucement
au milieu du courant
où les cormorans se perchent
après le lever du soleil
Les endroits que je connaissais
bien avant de te rencontrer
Les endroits qui sont restés
avec moi toute ma vie Les endroits
que tu as connus fugitivement
dans notre brève vie ensemble

Amorous dunes

In terms of place
there was always water
a river dissecting the city
a bridge by a Norman tower
Or in times of place
the ebb and flow of love
the pace of passion
the irresistible rush headlong
into palpable life

Always water :
a seashore of white sand
scattered with the debris
of palm and coconut shells
a scorching sun and frigate birds
skimming the waves

And at night the emergence
of sea turtles there to lay
their soft white eggs
in the amorous dunes
Was I really ever there
at the time?
And you?

John Lyons


Dunes amoureuses

En termes de lieu,
il y avait toujours de l’eau,
une rivière coupant la ville en deux,
un pont près d’une tour normande,
ou encore, à certaines époques,
le flux et le reflux de l’amour,
le rythme de la passion,
la ruée irrésistible vers
la vie palpable.

Toujours de l’eau :
un rivage de sable blanc
parsemé de débris de palmiers
et de noix de coco,
un soleil brûlant et des frégates
effleurant les vagues.

Et la nuit, l’émergence
de tortues marines venues
pondre leurs œufs blancs et mous
dans les dunes amoureuses.
Étais-je vraiment là
à ce moment-là ?
Et toi?